Page:Constant - Adolphe.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec l’autre. Elle n’osait me confier des peines, résultat d’un sacrifice qu’elle savait bien que je ne lui avais pas demandé. J’avais accepté ce sacrifice : je n’osais me plaindre d’un malheur que j’avais prévu, et que je n’avais pas eu la force de prévenir. Nous nous taisions donc sur la pensée unique qui nous occupait constamment. Nous nous prodiguions des caresses, nous parlions d’amour ; mais nous parlions d’amour de peur de nous parler d’autre chose.

Dès qu’il existe un secret entre deux cœurs qui s’aiment, dès que l’un d’eux a pu se résoudre à cacher à l’autre une seule idée, le charme est rompu, le bonheur est détruit. L’emportement, l’injustice, la distraction même, se réparent ; mais la dissimulation jette dans l’amour un élément étranger qui le dénature et le flétrit à ses propres yeux.

Par une inconséquence bizarre, tandis que je repoussais avec l’indignation la plus violente la moindre insinuation contre Ellénore,