Page:Constant - Adolphe.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

épris, sont un supplice de tous les instants. Il ne frémira pas devant cette profanation insultante qui ternit les plus chastes voluptés. Il ne rougira pas de honte et de colère en écoutant ces propos tenus à demi-voix, qui font du bonheur une nouvelle, où les secrets du foyer se discutent comme la marche d’une armée.

Non ; il s’applaudira de son choix, et lèvera fièrement la tête.

Ellénore verra dans Adolphe un amour jeune et confiant. Déjà fléchissante et ridée, elle sera fière d’avoir été distinguée par un homme destiné à tous les succès du monde. Plus folle et plus imprévoyante qu’une jeune fille, égarée par l’isolement, elle ira jusqu’à espérer de cette aventure une réhabilitation jusque-là vainement essayée. Dans la crédulité de son cœur, elle attendra de ce nouvel engagement la paix et la sécurité qui ont manqué au premier ; elle croira que les autres femmes, humiliées de son triomphe, se rallieront autour d’elle.

L’intervalle des années s’effacera. L’entraînement mutuel de ces deux cœurs, si différents et si mal connus l’un de l’autre, deviendra peu à peu irrésistible. À force de penser à Ellénore et de publier partout son admiration, Adolphe