Page:Constant - Adolphe.djvu/48

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même ligne, je me sentais poussé à la contredire, non que j’eusse adopté des opinions opposées, mais parce que j’étais impatienté d’une conviction si ferme et si lourde. Je ne sais quel instinct m’avertissait d’ailleurs de me défier de ces axiomes généraux si exempts de toute restriction, si purs de toute nuance. Les sots font de leur morale une masse compacte et indivisible, pour qu’elle se mêle le moins possible avec leurs actions, et les laisse libres dans tous les détails.

Je me donnai bientôt, par cette conduite, une grande réputation de légèreté, de persiflage, de méchanceté. Mes paroles amères furent considérées comme des preuves d’une âme haineuse, mes plaisanteries comme des attentats contre tout ce qu’il y avait de plus respectable. Ceux dont j’avais eu le tort de me moquer trouvaient commode de faire cause commune avec les principes qu’ils m’accusaient de révoquer en doute ; parce que, sans le vouloir, je les avais fait rire aux dépens les