Page:Constant - Adolphe.djvu/59

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forts ne changeaient rien à sa situation, elle était fort malheureuse. Elle élevait deux enfants qu’elle avait eus du comte de P*** avec une austérité excessive. On eût dit quelquefois qu’une révolte secrète se mêlait à l’attachement plutôt passionné que tendre qu’elle leur montrait, et les lui rendait en quelque sorte importuns. Lorsqu’on lui faisait à bonne intention quelque remarque sur ce que ses enfants grandissaient, sur les talents qu’ils promettaient d’avoir, sur la carrière qu’ils auraient à suivre, on la voyait pâlir de l’idée qu’il faudrait qu’un jour elle leur avouât leur naissance. Mais le moindre danger, une heure d’absence, la ramenait à eux avec une anxiété où l’on démêlait une espèce de remords, et le désir de leur donner par ses caresses le bonheur qu’elle n’y trouvait pas elle-même. Cette opposition entre ses sentiments et la place qu’elle occupait dans le monde, avait rendu son humeur fort inégale. Souvent elle était rêveuse et taciturne ; quelquefois elle parlait