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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/102

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aux grands objets discutés sans relâche depuis quarante ans ; mais je l’ai toujours vu tenir à honneur de manifester sur ces intérêts importants de nobles pensées, et je ne crois point qu’elle approuvât un silence timide. Je ne l’observerai donc pas : je dirai seulement qu’il me semble qu’on peut lui pardonner d’avoir désiré et chéri la liberté, si l’on réfléchit que les proscrits de toutes les opinions lui ont trouvé plus de zèle pour les protéger dans leur infortune, qu’ils n’en avaient rencontré en elle pour leur résister durant leur puissance. Sa demeure était leur asile, sa fortune leur ressource, son activité leur espérance. Non seulement elle leur prodiguait des secours généreux, non seulement elle leur offrait un refuge que son courage rendait assuré, elle leur sacrifiait même ce temps si précieux pour elle, dont chaque partie lui servait à se préparer de nouveaux moyens de gloire et de nouveaux titres à l’illustration. Que de fois on l’a vue, quand la pusillanimité des gouvernements voisins de la France les rendait persécuteurs, suspendre des travaux auxquels elle attachait, avec raison, une grande importance, pour conserver à des fugitifs la retraite où ils étaient parvenus avec effort, et d’où l’on menaçait de les exiler ! Que d’heures, que de jours elle a consacrés à plaider leur cause ! Avec quel empressement elle renonçait aux succès d’un esprit irrésistible, pour faire servir cet