Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/104

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dans votre misère et protégés dans vos périls ; cet esprit puissant s’est consacré à plaider votre cause ; cette impétuosité, que n’arrêtaient ni les calculs de l’intérêt, ni la crainte d’attirer sur elle-même la persécution dont elle s’efforçait de vous garantir, s’est placée entre vous et ceux qui vous proscrivaient. Amis ingrats ! Courtisans misérables ! Vous lui avez fait un crime des vertus qui vous ont sauvés. Si telle était Mme de Staël pour tous les êtres souffrants, que n’était-elle pas pour ceux que l’amitié unissait à elle ? Comme ils étaient sûrs que son esprit répondrait à toutes leurs pensées, que son âme devinerait la leur ! Avec quelle sensibilité profonde elle partageait leurs moindres émotions ! Avec quelle flexibilité pleine de grâces elle se pénétrait de leurs impressions les plus fugitives ! Avec quelle pénétration ingénieuse elle développait leurs aperçus les plus vagues, et les faisait valoir à leurs propres yeux ! Ce talent de conversation merveilleux, unique, ce talent que tous les pouvoirs qui ont médité l’injustice ont toujours redouté comme un adversaire et comme un juge, semblait alors ne lui avoir été donné que pour revêtir l’intimité d’une magie indéfinissable, et pour remplacer, dans la retraite la plus uniforme, le mouvement vif et varié de la société la plus animée et la plus brillante. Même en s’éloignant d’elle, on était encore longtemps soutenu par le charme qu’elle avait répandu sur ce qui l’entourait ;