Page:Constant - De l'esprit de conquête, Ficker, 1914.djvu/13

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est vers la paix. La tradition belliqueuse, héritage de temps reculés, et surtout les erreurs des gouvernemens, retardent les effets de cette tendance ; mais elle fait chaque jour un progrès de plus. Les chefs des peuples lui rendent hommage ; car ils évitent d’avouer ouvertement l’amour des conquêtes, ou l’espoir d’une gloire acquise uniquement par les armes. Le fils de Philippe n’oseroit plus proposer à ses sujets l’envahissement de l’univers ; et le discours de Pyrrhus à Cynéas sembleroit aujourd’hui le comble de l’insolence ou de la folie.

Un gouvernement qui parleroit de la gloire militaire, comme but, méconnoîtroit ou mépriseroit l’esprit des nations et celui de l’époque. Il se tromperoit d’un millier d’années ; et lors même qu’il réussiroit d’abord, il seroit curieux de voir qui gagneroit cette étrange gageure, de notre siècle ou de ce gouvernement.

Nous sommes arrivés à l’époque du commerce, époque qui doit nécessairement remplacer celle de la guerre, comme celle de la guerre a dû nécessairement la précéder.

La guerre et le commerce ne sont que deux moyens différens d’arriver au même but, celui de posséder ce que l’on désire. Le commerce n’est autre chose qu’un hommage rendu à la force du possesseur par l’aspirant à la posses-