Page:Constant - De l'esprit de conquête, Ficker, 1914.djvu/32

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s’élancent avec Cromwell sur un parlement qui luttoit encore contre les fers qu’on lui destinoit, et les crimes dont on vouloit le rendre l’organe, et livrent à l’usurpateur hypocrite, d’une part le roi, de l’autre la république.

Mais les gouvernemens absolus n’ont pas moins à craindre de cette force toujours menaçante. Si elle est terrible contre les étrangers et contre le peuple au nom de son chef, elle peut devenir à chaque instant terrible à ce chef même. Ainsi ces formidables colosses, que des nations barbares plaçoient en tête de leurs armées pour les diriger sur leurs ennemis, reculoient tout à coup, frappés d’épouvante ou saisis de fureur, et méconnoissant la voix de leurs maîtres, écrasoient ou dispersoient les bataillons qui attendoient d’eux leur salut et leur triomphe.

Il faut donc occuper cette armée, inquiète dans son désoeuvrement redoutable : il faut la tenir éloignée ; il faut lui trouver des adversaires. Le système guerrier, indépendamment des guerres présentes, contient le germe des guerres futures : et le souverain, qui est entré dans cette route, entraîné qu’il est par la fatalité qu’il a évoquée, ne peut redevenir pacifique à aucune époque.