Page:Constant - De l'esprit de conquête, Ficker, 1914.djvu/37

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il consisteroit dans le choix volontaire de la situation qui commande de pareils moyens.

L’autorité auroit donc à faire, sur les facultés intellectuelles de la masse de ses sujets, le même travail que sur les qualités morales de la portion militaire. Elle devroit s’efforcer de bannir toute logique de l’esprit des uns, comme elle auroit tâché d’étouffer toute humanité dans le coeur des autres : tous les mots perdroient leur sens ; celui de modération présageroit la violence ; celui de justice annoncèrent l’iniquité. Le droit des nations deviendroit un code d’expropriation et de barbarie : toutes les notions que les lumières de plusieurs siècles ont introduites dans les relations des sociétés, comme dans celle des individus, en seroient de nouveau repoussées. Le genre humain reculeroit vers ces temps de dévastation, qui nous sembloient l’opprobre de l’histoire. L’hypocrisie seule en feroit la différence; et cette hypocrisie seroit d’autant plus corruptrice que personne n’y croiroit. Car les mensonges de l’autorité ne sont pas seulement funestes quand ils égarent et trompent les peuples ; ils ne le sont pas moins quand ils ne les trompent pas.

Des sujets qui soupçonnent leurs maîtres de duplicité et de perfidie, se forment à la perfidie et à la duplicité : celui qui entend nommer le chef qui le gouverne, un grand