Page:Constant - La Druidesse.djvu/51

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Et craignant que déjà tous n’aient que trop langui,
Les Gaulois au dehors, au dedans la victime.
« Viens, dit-elle, opprimé ; ta haine est légitime.
Viens, fils de Teutatès, Gaulois, noble scion,
Viens, sur notre tyran, viens, sur son espion,
Du dieu Dis appeler, pour le grand sacrifice,
La haine et le courroux ! Viens, que ta voix maudisse !
Et des chefs aussitôt, douze après douze fois,
Tombe sur le Romain l’imprécatoire voix :
« Maudit sois-tu, Romain ! Ton peuple aux noirs abîmes !
Sur ta tête que Dis amoncelle vos crimes ! « 
Lez-Breiz s’avance alors, le front haut, l’œil en feu,
Lève sa main puissante et jette ainsi son vœu :
« Par ton sein tout sanglant, ô ma Gaule adorée,
Mère, par ta douleur, ta grande âme éplorée,
Par votre souvenir, ô mes vaillants aïeux,
Par toi, vieille Armorique, et par vous, ô saints lieux,
Je voue au sombre Dis, de l’oppresseur inique
L’espion que mon bras prit au champ druidique !
Sur ta tête, Romain, mon imprécation ! »
« Sur ta tête, brigand, ma malédiction ! »
Reprend Bélisana. « Par le grand dieu du Chêne,
Sur toi, Romain ; sur toi notre plus sombre haine ! »
Et les chefs de crier : « Notre haine sur toi ! »
Et ces cris, au dehors de propager l’émoi,
Et l’immense clameur, dominant la tempête,
De porter jusqu’au ciel une ardente requête :
« Sur toi, Romain, sur toi, la haine du Gaulois ! »
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Bien étranges pourtant, ô Sène, sont les lois
Qui guident les humains, qui gouvernent le monde !
Amante, quel mystère, oui, quelle mer profonde
Que l’âme et que le cœur devant l’humanité !