Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/26

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en même temps mille extravagances. La vieille Margrave me les pardonnait toutes et ne m’en aimait que mieux : et dans cette petite ville, ma faveur à la Cour faisait taire tous ceux qui me jugeaient plus sévèrement. Mais je voulus me donner la gloire d’avoir une maîtresse. Je choisis une fille d’une assez mauvaise réputation et dont la mère avait, dans je ne sais quelle occasion, fait à la Margrave je ne sais quelles impertinences. Le bizarre de la chose, c’est que, d’un côté, je n’aimais pas cette fille, et que, de l’autre, elle ne se donna point à moi. Je suis le seul homme vraisemblablement auquel elle ait résisté. Mais le plaisir de faire et d’entendre dire que j’entretenais une maîtresse me consolait, et de passer ma vie avec une personne que je n’aimais point, et de ne pas posséder la personne que j’entretenais.

La Margrave fut très offensée de ma liaison à laquelle ses représentations ne firent que m’attacher davantage. Ces représentations remplissaient mon but qui était qu’on parlât de moi. En même temps, la mère de ma prétendue maîtresse, toujours pleine de haine contre la Margrave, et flattée de l’espèce de rivalité qui s’était