Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/72

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quelques phrases philosophiques sur la fatigue de la société et sur le besoin de la solitude. Je lui demandai la permission de passer trois mois en Angleterre dans une retraite absolue, et je finis par une transition vraiment comique, sans que je m’en aperçusse, par lui parler de mon désir de me marier et de vivre tranquille avec ma femme auprès de lui.

Le fait est que je ne savais trop qu’écrire, que j’avais en effet un besoin véritable de me reposer de six mois d’agitation morale et physique, et que, me trouvant pour la première fois complètement seul et complètement libre, je brûlais de jouir de cette position inconnue, à laquelle j’aspirais depuis si longtemps. Je n’avais aucune inquiétude sur l’argent ; car de mes quinze louis, j’en employai deux tout de suite pour acheter deux chiens et un singe. Je ramenai au logis ces belles emplettes. Mais je me brouillai tout de suite avec le singe. Je voulus le battre pour le corriger. Il s’en fâcha tellement que, quoiqu’il fût très petit, je ne pus en rester maître, et je le rapportai à la boutique d’animaux où je l’avais pris, où l’on me donna un troisième chien à sa place. Je me dégoûtai pourtant bientôt de cette