Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/84

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pour me mettre à la merci de gens qui ne me devaient rien, et sans une nécessité qui excusât cette démarche, s’il fallait m’exposer à m’entendre demander ce que je venais faire et refuser ce dont j’aurais besoin ou envie, rien sur la terre ne pourrait m’y résoudre. Mais, dans ma vingtième année, rien ne me paraissait plus simple que de dire à mes amis de collège :

« Je fais trois cents lieues pour souper avec vous ; j’arrive sans le sou, invitez-moi, caressez-moi, buvons ensemble, remerciez-moi et prêtez-moi de l’argent pour m’en retourner. »

j’étais convaincu que ce langage devait les charmer. Je fis donc venir mon hôte, et je lui dis que je voulais profiter de l’absence de mon ami Bridges pour aller à quelques milles de là passer quelques jours, et qu’il eût à me procurer un cabriolet. Il m’amena un homme qui en avait un, avec un très bon cheval. Malheureusement, le cabriolet était à Stamford, petite ville à dix milles de là. Il ne fit aucune difficulté pour me le louer. Il me donna son cheval et son fils pour me conduire, pour retirer le cabriolet des mains du sellier qui avait dû le raccommoder, et nous convînmes que je partirais de Stamford pour aller