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Page:Contes allemands du temps passé (1869).djvu/40

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LES WICHTELMÆNNER[1]

PREMIER CONTE

Un cordonnier était devenu si pauvre, sans qu’il y eût de sa faute, qu’il ne lui restait à la fin que tout juste assez de cuir pour faire une paire de souliers. Dans la soirée, il tailla ce cuir afin de le coudre le lendemain, et, comme il avait la conscience en repos, il se mit tranquillement au lit après s’être recommandé au bon Dieu, puis s’endormit.

Le lendemain, lorsqu’il eut fait sa prière et qu’il voulut se mettre à l’ouvrage, les deux souliers se trouvaient tout faits sur la table. Jugez de l’étonnement du bonhomme ; il ne savait que dire ni que penser, et il prit les souliers à sa main pour les regarder de plus près : ils étaient façonnés avec tant de soin qu’il n’y avait pas un faux point ; c’était vraiment un ouvrage de maître !


Bientôt un acheteur entra dans la boutique ; et, comme ces souliers lui plurent, il les paya plus que le prix ordinaire, et le cordonnier put s’acheter de cet argent du cuir pour deux autres paires de souliers. Il les tailla le soir, se proposant de les coudre le lendemain ; mais il n’en

  1. Petits hommes, espèce de nains merveilleux d'une taille lilliputienne. On cite leurs tours et leurs malices ; mais travailleurs et obligeants, ils ne deviennent guère taquins et méchants que pour ceux qui les narguent. C'est surtout du côté du Rhin, à Cologne, etc., que les Wichtelmænner font parler d'eux. Par leur obligeance ils ressemblent assez aux tenz, et par leurs taquineries aux torrigans et poulpikans de notre Bretagne.