Page:Contes de Madame de Villeneuve, tome 1.djvu/61

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prit, une bassesse d’ame, & même de la foiblesse à vivre gayement dans l’état où le Ciel venoit de les réduire. Quelle est heureuse disoit l’aînée ! Elle est faite pour les occupations grossieres. Avec des sentimens si bas, qu'auroit-elle pû faire dans le monde ? Pareils discours étoient injustes. Cette jeune personne eût été bien plus propre à briller qu’aucune d’elles.

Une beauté parfaite ornoit sa jeunesse, une égalité d’humeur la rendoit adorable. Son cœur aussi généreux, que pitoyable, se faisoit voir en tout. Aussi sensible que ses sœurs aux révolutions, qui venoient d’accabler sa famille, par une force d’esprit qui n’est pas ordinaire à son sexe, elle sut cacher sa douleur, & se mettre au-dessus de l'adversité. Tant de constance passa pour insensibilité. Mais on appelle aisément d’un jugement porté par la jalousie.