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Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/286

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MADAME D’AULNOY.

l’hôte des poissons ; je sais qu’il est réservé à la plus belle princesse de l’univers. — Malheureuse que je suis ! continua Babiole, il ne sera donc jamais pour moi ! » Le bon homme sourit et lui dit : « Bonne Babiole, ne t’afflige point, le temps est un grand maître, prends seulement garde de ne pas perdre le petit coffre de verre que le Magot t’a envoyé et que tu as par hasard dans ta poche ; je ne t’en puis dire davantage : voici une tortue qui va bon train, assieds-toi dessus, elle te conduira où il faut que tu ailles. — Après les obligations dont je vous suis redevable, lui dit-elle, je ne puis me passer de savoir votre nom. — On me nomme, dit-il, Biroqua, père de Biroqui, rivière, comme tu vois, assez grosse et assez fameuse. »

Babiole monta sur la tortue avec beaucoup de confiance, elles allèrent pendant quelque temps sur l’eau, et enfin, à un détour qui paraissait long, la tortue gagna le rivage. Il serait difficile de rien voir de plus galant que la selle à l’anglaise et le reste de son harnais ; il y avait jusqu’à de petits pistolets d’arçon auxquels deux corps d’écrevisses servaient de fourreaux.

Babiole voyageait avec une entière confiance sur les promesses du sage Biroqua, lorsqu’elle entendit tout d’un coup un assez grand bruit. Hélas ! hélas ! c’était l’ambassadeur Mirlifiche, avec tous ses mirlifichons, qui retournaient en Magotie, tristes et désolés de la fuite de Babiole. Un singe de la troupe était monté à la dînée sur un noyer, pour abattre des noix et nourrir les Magotins ; mais il fut à peine au haut de l’arbre, que, regardant de tous côtés, il aperçut Babiole sur la pauvre tortue, qui cheminait lentement en pleine campagne. À cette vue il se prit à crier si fort, que les singes assemblés lui demandèrent en leur langage de quoi il était question ; il le dit. On lâcha aussitôt les perroquets, pies et geais, qui volèrent jusqu’où elle était, et sur leur rapport, l’ambassadeur, les guenons, et le reste de l’équipage coururent et l’arrêtèrent.

Quel déplaisir pour Babiole ! il serait difficile d’en avoir un plus grand et plus sensible ; on la contraignit de monter dans le carrosse du corps, il fut aussitôt entouré des plus vigilantes guenons, de quelques renards et d’un coq qui se percha sur l’impériale, faisant la sentinelle jour et nuit. Un singe menait la tortue en main, comme un animal rare : ainsi la cavalcade continua son voyage au grand déplaisir de Babiole, qui n’avait pour toute compagnie que madame Gigogna, guenon acariâtre et peu complaisante.

Au bout de trois jours, qui s’étaient passés sans aucune aventure, les