Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/449

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refusez, il en mourra. — Je consens à ce que vous voulez, dit le roi ; je vous avoue, malgré cela, que j’y ai de la répugnance : mais appelons-le. » Aussitôt il fit signe à Fortuné de s’approcher, et lui dit d’un air obligeant : « Je viens d’apprendre par la reine le désir que vous avez de combattre le dragon qui nous désole ; c’est une résolution si hardie, que je ne peux croire que vous en envisagiez tout le péril. — Je le lui ai représenté, dit la reine ; mais il a tant de zèle pour votre service, et de passion pour se signaler, que rien ne saurait l’en détourner, et j’en augure quelque chose d’heureux. »

Fortuné demeura surpris d’entendre ce que le roi et la reine lui disaient. Il avait trop d’esprit pour ne pas pénétrer les mauvaises intentions de cette princesse ; mais sa douceur ne lui permit pas de s’en expliquer, et sans rien répondre, il la laissa toujours parler, se contentant de faire de profondes révérences, que le roi prit pour de nouvelles prières de lui accorder sa permission qu’il souhaitait. « Allez donc, lui dit-il en soupirant ; allez où la gloire vous appelle ; je sais que vous avez tant d’adresse dans toutes les choses que vous faites, et particulièrement aux armes, que ce monstre aura peut-être de la peine à éviter vos coups. — Sire, répliqua le chevalier, de quelque manière que je me tire du combat, je serai satisfait ; je vous délivrerai d’un fléau terrible, ou je mourrai pour vous ; mais honorez-moi d’une faveur qui me sera infiniment chère. — Demandez tout ce que vous voudrez, dit le roi. J’ose, continua-t-il, demander votre portrait. » Le roi lui sut beaucoup de gré de songer à son portrait, dans un temps où il avait lieu de s’occuper de bien d’autres choses : et la reine ressentit un nouveau chagrin qu’il ne lui eût pas fait la même prière ; mais il aurait fallu avoir de la bonté de reste, pour vouloir le portrait d’une si méchante personne.

Le roi retourné dans son palais, et la reine dans le sien, Fortuné bien embarrassé de la parole qu’il avait donnée, fut trouver son cheval, et lui dit : « Mon cher Camarade, il y a bien des nouvelles. — Je les sais déjà, seigneur, répliqua-t-il. — Que ferons-nous donc, ajouta Fortuné ? — Il faut partir au plus tôt, répondit le cheval ; prenez un ordre du roi, par lequel il vous ordonne d’aller combattre le dragon, nous ferons ensuite notre devoir. » Ce peu de mots consola notre jeune chevalier ; il ne manqua pas de se rendre le lendemain de bonne heure chez le roi, avec un habit de campagne aussi bien entendu que tous les autres qu’il avait pris dans le coffre de maroquin.