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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/225

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CONTES SECRETS RUSSES

rougi au feu, cela tiendra mieux. » Ce disant, le forgeron se mit en devoir de brûler à la flamme de la chandelle le bout de la verge de l’ecclésiastique. Ce dernier sauta par-dessus la table et, nu comme il était, s’élança hors de l’izba. « Ah ! putain ! » commença à crier le mari, « ce n’est pas un icone que tu as acheté, mais un diable ; tu vois, il a disparu et tu en es pour ton argent ! » Il s’approcha ensuite du croc. « Mais qu’est-ce qui pend là ? — C’est une grande buie que j’ai achetée, un vase à mettre de l’eau. — Comment, diable, une buie ? C’est un vrai tonneau ! Mais est-elle solide ? — J’ai frappé dessus avec le poing ; elle résonne bien. — Attends, je vais essayer avec une bûche : voyons si elle ne se brisera pas. » Il prit une bûche et, de toute sa force, en asséna plusieurs coups sur les côtes du marguillier qui, au bout de la corde, oscillait comme un balancier. Soudain la corde se rompit : le marguillier piqua une tête contre le plancher, se releva d’un bond et gagna aussitôt la porte. « Eh bien ! tu as fait de belles emplettes ! » observa le forgeron ; « à présent, je vais boire du kvass. » Il s’approcha du cuveau et aperçut le Tsigane plongé jusqu’au cou dans le marc ; son museau seul émergeait au dehors. Le forgeron se signa. « Voilà de quoi je devais être témoin en vivant avec toi ! Pour sûr, tu gardes ce marc dans le cuveau depuis que tu m’as épousé : vois-tu, les diables s’y sont mis ! » Il cloua un couvercle sur l’orifice du cuveau où se trouvait le Tsigane, et