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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/240

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CONTES SECRETS RUSSES

retrouver sa mère : « Pourquoi pleures-tu ? » lui demanda la vieille. — « Et comment ne pleurerais-je pas ? Je suis perdue : va donc voir toi-même ce qui se passe chez nous dans la nouvelle izba ! — Mais qu’est-ce qui peut s’y passer ? Ton fiancé est là avec son frère. — Comment, mon fiancé ? C’est le diable et non un fiancé ! » Tous trois, le père, la mère et la jeune fille, se rendirent à l’izba où le futur avait passé la nuit. En les voyant entrer, Gritzka eut un sourire joyeux : ses dents seules étaient blanches, mais tout son visage avait une teinte gros bleu qui lui donnait l’air d’un véritable diable.

Les maîtres de la maison s’enfuirent. Le vieillard ferma avec soin la porte de l’izba et alla trouver le pope. « Batouchka, viens bénir notre nouvelle izba et chasses-en l’esprit impur : le maudit en a pris possession ! — Comment, mon cher, il y a des diables chez toi ? Mais, moi aussi, mon cher, j’ai peur des diables. — N’en aie pas peur, batouchka ! j’ai une jument : s’il arrive quelque chose, enfourche-la et file au galop, ce n’est pas un diable, ni même un oiseau qui pourrait la rattraper. — Allons, soit, mon cher, j’irai chasser l’esprit impur, seulement il faut que la jument soit à moi ! — Elle sera à vous, batouchka, à vous ! » répondit le moujik en s’inclinant devant le prêtre. Celui-ci se rendit à l’izba, accompagné d’un chantre et d’un sacristain ; il avait revêtu ses ornements sacerdotaux et tenait dans ses mains un