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CONTES SECRETS RUSSES

lard soupira et garda le silence. Au bout de quelque temps il mourut. On l’habilla et on le déposa sur un banc ; le cadavre du défunt, avec sa longue barbe, fut couché là, on brûla de l’encens dans l’izba, on fit tous les préparatifs d’usage : le Tsigane alla chercher un pope : « Bonjour, batouchka ! — Bonjour, Tsigane, quelle nouvelle ? — Mon père est mort, viens l’enterrer. — Est-il possible qu’il soit mort ? — Il est mort, sa fin a été douce ! sur le banc où il est couché il a l’air d’un Christ, et sa barbe est si bien arrangée ! viens chez nous, je te prie, tu verras comme son corps est blanc. Je crois même, batouchka, que c’est un saint, car il exhale une odeur d’encens ! — Eh bien ! Tsigane, as-tu de l’argent pour payer les funérailles ? — Pourquoi te donnerais-je de l’argent ? Pour cette charogne étendue sur le banc qui est noire comme un fumeron et montre les dents comme un chien enragé ! Et c’est pour cela que je te donnerais de l’argent ? Soit, ne viens pas l’enterrer, je te l’amènerai en le traînant par les pieds, tu en feras ce que tu voudras ! — Allons, c’est bien, c’est bien, » reprit le pope, « j’irai l’enterrer tout de suite. »

Le Tsigane revint chez lui où arriva peu après l’ecclésiastique. On célébra un service funèbre, on déposa le corps dans le cercueil, on le porta au cimetière et on l’enterra. « Se peut-il que tu ne me donnes aucune rétribution pour avoir enterré ton père ? » dit le pope au Tsigane ; « ce serait un péché de ta part. — Ah ! batouchka, » répondit le fils