XIX
CONVERSATIONS DE FAMILLE
n moujik avait une femme, une fille et deux
fils encore en bas âge. La mère, étant un jour
allée au bain avec les enfants, rassembla le linge sale
et se mit à le laver ; penchée au-dessus de l’auge, elle
tournait le dos à ses mioches. Ils regardaient en
riant ce qu’elle leur montrait. « Eh ! Andriouchka,
vois un peu, maman a deux κονς. — Qu’est-ce
que tu chantes ? Il n’y en a qu’un, seulement il
est divisé en deux. — Ah ! diables morveux, »
gronda la paysanne, « voyez un peu de quoi ils se
sont avisés ! » Elle revint chez elle, se coucha sur
le poêle avec sa fille et une conversation s’engagea
entre les deux femmes. « Eh bien, fillette, » commença
la mère, « le moment approche où tu te
marieras ; alors c’est avec ton mari que tu demeureras
et non avec nous… — S’il en est ainsi, je
ne veux pas me marier ! — Allons donc, que tu
es bête ! Mais de quoi as-tu peur ? Loin d’effrayer
les braves filles, le mariage leur fait même plaisir.
— Pourquoi leur fait-il plaisir ? — Comment,
pourquoi ? Quand tu auras passé une nuit avec
ton mari, tu ne regretteras pas d’avoir quitté père
et mère pour lui, il te paraîtra meilleur que le