Page:Contes tjames, trad. Landes, 1887.djvu/118

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Sa femme lui demanda : Est-ce toi qui as taillé cette charrue ? Il répondit que oui. Ensuite ils voulurent revenir chez eux. Il dit à sa femme de marcher devant, et qu'il la suivrait en regardant la forêt. La femme prit les devants, le mari chargé de la charrue ne pouvait la suivre et la femme l'attendait toujours. Elle lui dit : Pourquoi traînes-tu toujours ainsi ? — Je suis mécontent, dit-il, de ce que tu as trop relevé ta robe, c'est pourquoi je ne t'approche pas ; mes principes veulent que la femme laisse tomber sa robe jusque sur les pieds, en faisant de la sorte on se conforme aux préceptes. Il parlait ainsi afin que, ne voyant pas le chemin il pût se guider sur le frôlement de la robe de sa femme. Sa femme lui obéit et laissa tomber sa robe. Ensuite elle se remit en marche et la robe, heurtée par les pieds, fit un bruit et l'aveugle le suivit. Les deux époux arrivèrent à la maison. Le beau-père vit la charrue toute façonnée et loua fort l'habileté de son gendre.

Quand vint le temps du labour le beau-père ordonna au gendre de mener les domestiques au travail. Le gendre dit au gardien des buffles : Quand tu lâcheras tes buffles ne lâche que les grands et laisse-moi dans l'étable un petit bufflon. Le berger lui obéit. Au point du jour les domestiques attelèrent les charrues et le berger lâcha ses buffles pour aller aux rizières. Il laissa un veau renfermé dans l'étable.

La femme de l'aveugle lui prépara des chiques de bétel et lui dit d'aller aux rizières. Notre homme alla droit à l'étable et dit : Qu'a fait ce drôle ? Il a ouvert aux buffles et a laissé un veau. Il ouvrit le verrou, entra dans l'étable, prit le bufflon par la queue et le poussa vers les rizières. Quand le bufflon courait, l'aveugle courait, quand le bufflon allait doucement, l'aveugle allait doucement, si le bufflon sautait un fossé ou entrait dans une mare, l'aveugle en faisait autant. En faisant de la sorte il avait mouillé ses vêtements, ses cheveux, son