Page:Contes tjames, trad. Landes, 1887.djvu/88

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aux gens, elle n'alla pas voir le poisson. Halœk était à la maison, elle prit du riz et alla le manger au puits avec le poisson. Elle cria au poisson de monter manger et le poisson l'entendit : Il pensa que c'était Kajong qui l'appelait et monta, Halœk le saisit et l'emporta à la maison. Elle le coupa en deux morceaux, le fit cuire avec du nuôc màm et le mangea tout entier.

Halœk mangea le poisson sans rien dire à sa mère et à Kajong. Le lendemain Kajong prit du riz et elle alla manger au puits mais elle ne vit plus le poisson. Elle explora le puits mais elle ne l'y trouva plus.

Kajong pleura tristement, réfléchissant qu'elle n'avait pas de parents, qu'elle avait un poisson qu'elle nourrissait comme son frère cadet et maintenant elle ne savait qui était l'impitoyable qui le lui avait volé. En toute occasion, chaque jour elle se consolait avec ce poisson, et maintenant on le lui avait volé et elle demeurait seule et solitaire. Nuit et jour elle pleurait.

Cette nuit elle vit en songe le poisson qui lui dit : Ô sœur aînée Kajong, ne pleure pas tant, ma sœur ! Quant à moi, celle dont le nom est Halœk m'a mangé pendant que tu gardais les chèvres, elle a porté du riz et m'a appelé pour manger, elle m'a saisi, m'a emporté à la maison, m'a fait cuire avec du nuôc màm et m'a mangé. Quant à mes arêtes, elle les a mises dans un tube de bambou et l'a enterré à côté de la jarre d'eau. Si tu m'aimes, prends mes arêtes, mets-les dans une noix de coco et enterre-les à un carrefour, afin que lorsque tu iras garder les chèvres je puisse voir le visage de ma sœur. Si tu fais ainsi, tous les jours à toute heure viens me visiter.

Ce poisson parlait ainsi à Kajong et tout en parlant il pleurait. Kajong se réveilla et pleura toute seule, couchée dans sa natte au milieu de la nuit. Le lendemain matin elle alla creuser près de la jarre d'eau et y trouva un tube de bambou.