Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/127

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toute cette vaste région qu’on a nommée l’ouest, ou les Nouveaux-Pays, depuis la guerre de la révolution, était comparativement un désert, mais un désert rempli de toutes les productions de la nature qui appartenaient particulièrement à ce climat, à l’exception de l’homme et des animaux domestiques. Le peu d’Indiens qui en parcouraient les forêts n’occasionnaient pas une diminution sensible du gibier ; et les garnisons éparses, jointes à quelques chasseurs qui se montraient çà et là sur cette vaste surface, n’y produisaient pas plus d’effet que l’abeille sur le champ de sarrasin, ou l’oiseau-mouche sur la fleur.

Les merveilles que la tradition nous a transmises sur le nombre d’animaux, d’oiseaux et de poissons qu’on trouvait alors dans ce pays, et particulièrement sur les bords des grands lacs, sont appuyées sur le témoignage d’hommes encore vivants, sans quoi nous pourrions hésiter de les rapporter ; mais ayant été nous-même témoin oculaire de quelques-uns de ces prodiges, nous nous acquitterons de notre devoir comme historien avec la confiance que peut donner la certitude. L’Oswego était particulièrement bien placé pour remplir amplement le garde-manger d’un épicurien. Des poissons de toute espèce abondaient dans cette rivière, et le pêcheur n’avait qu’à jeter sa ligne dans l’eau pour en retirer une perche ou quelque autre membre de cette immense famille de poissons qui peuplaient alors les eaux de cette latitude fertile, comme l’air, au-dessus de ces marécages, fourmillait d’insectes. On pêchait dans les lacs une variété de ce poisson si connu, le délicieux saumon du nord de l’Europe, auquel elle était à peine inférieure. Il s’y trouvait la même affluence des divers oiseaux de passage qui fréquentent les eaux et les forêts, et l’on voyait quelquefois dans les grandes baies que forment les dentelures des rives de l’Ontario des centaines d’acres d’eau couverts d’oies et de canards. Les daims, les ours, les écureuils, et d’autres quadrupèdes, parmi lesquels l’élan se montrait quelquefois, aidaient à compléter le total de ce que la nature fournissait libéralement aux postes situés sur l’extrême frontière, pour les indemniser des privations qu’ils souffraient nécessairement.

Dans un endroit où une nourriture, qui aurait été regardée ailleurs comme un grand luxe, était si abondante que personne n’en était privé, le dernier des individus qui se trouvaient dans le fort de l’Oswego se nourrissait de gibier qui aurait fait l’orgueil d’une table parisienne. C’est donc un objet de commentaire