Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/168

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la crosse de son fusil, et reprenant le fil de son discours, comme s’il n’eût attaché aucune importance à ce qu’il venait de faire, vous vous perfectionnez tous les jours, mon garçon. Encore quelques excursions dans la forêt avec moi, et le meilleur tireur de toute la frontière y regardera à deux fois avant de jouter contre vous. Le quartier-maître tire bien, mais il n’ira jamais plus loin, au lieu que vous, avec les clous que vous tenez de la Providence, vous pouvez un jour défier quiconque a jamais tenu un fusil.

— Allons donc. — s’écria Muir, — appelez-vous seulement bien tirer, détacher nettement une partie de la tête d’un clou, quand c’est la perfection de l’art ? Quiconque a les sentiments les moins raffinés et les moins élevés sait pourtant que la délicatesse des touches est ce qui fait connaître le grand maître ; au lien que les coups de marteau d’enclume sont donnés par des mains grossières et inexpertes. S’il est vrai que lorsqu’on manque son coup peu importe que ce soit d’une ligne ou d’un mille, Pathfinder, vous devez convenir que lorsqu’on atteint son but, peu importe qu’on blesse ou qu’on tue.

— Suffit, suffit, — dit le major ; — le meilleur moyen de décider la question, c’est de passer à la troisième épreuve, et ce sera celle de la pomme de terre. Vous êtes Écossais, monsieur Muir, et vous feriez meilleure chère avec un gâteau de farine d’orge ou un chardon ; mais la loi des frontières a prononcé en faveur du légume américain, et ce sera la pomme de terre.

L’air du major Duncan annonçant quelque impatience, David Muir avait trop de tact pour différer plus long-temps l’épreuve par de nouveaux discours, et il se prépara à répondre à l’appel. Pour dire la vérité, le quartier-maître avait fort peu de confiance en lui-même pour cette nouvelle épreuve, et il n’aurait pas été si empressé à se mettre au nombre des compétiteurs, s’il avait cru qu’elle dût avoir lieu. Mais le major Duncan, qui, avec ces manières tranquilles écossaises, avait quelque chose de cette singularité piquante qu’on appelle humour, l’avait fait ajouter secrètement au programme du divertissement, afin de le mortifier ; car, étant lui-même un laird d’Écosse, il n’aimait pas qu’un de ses officiers voulût faire honte à son régiment en contractant un mariage inégal. Dès que tout fut préparé, Muir fut appelé et l’adjudant prit en main la pomme de terre. Mais comme ce genre de divertissement peut être nouveau pour le lecteur, quelques mots