Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/137

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porter auprès de celle dont elle portait le nom ? À cet instant, il lui semblait que son existence tout entière dépendait de la mise à flot de son embarcation, et il tremblait que quelque accident imprévu n’y mît obstacle. Il lui fallut attendre quelques minutes avant qu’il eût pu reprendre son sang-froid.

À la fin, Marc réussit à se maîtriser, et il se remit à l’œuvre. Les derniers appuis tombèrent, et, comme le bâtiment restait immobile, il donna un coup de maillet. Cette fois l’embarcation docile se mit en mouvement, et glissa sans s’arrêter jusqu’au bord de l’eau, dans laquelle elle entra en fendant les ondes, comme un canard qui agite ses ailes. Marc était dans le ravissement sa Brigitte se comportait à merveille, et sa démarche était pleine de grâce et d’élégance. Il va sans dire qu’il avait eu soin d’y attacher une corde, à l’aide de laquelle il la hala à terre, et il l’amarra dans un petit bassin naturel, qui était juste de la grandeur nécessaire. Telle était sa crainte de perdre une embarcation qui lui était devenue si précieuse, qu’il avait retiré quelques chevilles du Rancocus pour les enfoncer dans le roc, où il trouva moyen de les fixer au moyen de plomb fondu.

La Brigitte n’avait guère que le quart des dimensions de la Neshamony, quoiqu’elle fût plus de moitié aussi longue. Néanmoins c’était une bonne embarcation et Marc, sachant qu’il ne pouvait guère compter que sur les voiles pour la mouvoir, avait construit sur l’avant un petit pont pour empêcher les vagues d’embarquer, et aussi pour se ménager un emplacement où il pût déposer quelques provisions à l’abri de la pluie. Quelques petites tonnes d’eau fraîche formaient le lest. Elles avaient été portées d’avance à bord, ainsi que les mâts, les voiles, les avirons, etc., avant la mise à l’eau. Comme il était encore de bonne heure, Marc ne put résister à son impatience. Il résolut de faire une croisière autour de la montagne de lave, et de pousser sa reconnaissance plus loin qu’il ne l’avait jamais fait sur le canot. Il porta donc quelques vivres à bord, détacha les amarres, et mit à la voile.

Dès l’instant que la Brigitte se mit en marche, et commença