Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rait bien la route. Néanmoins, les quelques coups de sonde qui avaient pu être donnés sûrement pour convaincre nos marins qu’il y avait plus d’eau qu’il n’en fallait pour le Rancocus, entre les récifs. Sur les récifs, c’eût été tout autre chose.

Marc eut plus de peine qu’il ne l’avait pensé à éviter les écueils. La baie artificielle dans laquelle il se trouvait était si calme, que ce n’était qu’à de longs intervalles que la mer brisait, lorsqu’une vague plus haute était parvenue à franchir la barrière. Si le petit canot eût été surpris sur un récif au moment précis où une de ces lames y déferlait, il eût été perdu. C’est ce qui faillit lui arriver plus d’une fois ; et s’il échappa, il le dut plutôt à une intervention toute providentielle qu’aux efforts et à l’habileté de son petit équipage.

On se figure aisément le profond intérêt avec lequel les deux amis s’approchaient du récif qui sortait de l’eau. Du haut des barres de perroquet, ils avaient reconnu que c’était la seule terre qu’il fût possible d’apercevoir, et par conséquent le seul endroit où ils pussent espérer de retrouver leurs compagnons. Ce récif, ou cette île, avait une autre importance leurs yeux : il pouvait devenir leur habitation pour des années, pour toute leur vie peut-être. L’aspect des brisants à travers lesquels Marc venait de passer, lui avait laissé moins d’espoir que jamais d’en tirer le bâtiment, et c’est à peine s’il croyait possible de l’amener à l’endroit vers lequel il se dirigeait à l’heure même. Ces réflexions, qui devenaient de plus en plus poignantes à mesure qu’il avançait, redoublaient son attention à examiner l’île sous toutes ses faces. Bob ne pensait, lui, qu’au moment actuel. Son imagination ne travaillait pas comme celle de son supérieur ; il n’avait pas laissé derrière lui une jeune femme qui attendît son retour. D’ailleurs, il s’était dit une bonne fois que c’était la volonté de la Providence qu’ils fussent les Robinson Crusoë de cette île. Mais quand et comment sortiraient-ils de cette plage désolée, s’ils en sortaient jamais, c’est ce qu’il ne s’était pas encore mis à considérer.

Plus on approchait de l’île, plus l’exactitude des observations