Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/178

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laissé le temps à l’infanterie de défiler, il tourna la tête vers sa petite troupe, et donna l’ordre du départ. Sa cavalerie se forma alors en colonne, et l’officier, portant la main à son casque de dragon pour saluer le colonel Howard, se mit à la tête de son escadron, et partit au galop en se dirigeant vers la mer.

Le colonel resta quelques minutes à sa porte, c’est-à-dire tant qu’il put entendre le bruit de la marche des chevaux et voir briller les armes des cavaliers ; car c’était un son qui flattait encore son oreille, et un spectacle qui plaisait toujours à ses yeux. Ensuite il rentra chez lui, et ce ne fut pas sans une sorte d’émotion secrète, mélangée d’inquiétude et d’enthousiasme, qu’il s’occupa de faire barricader toutes les portes et les fenêtres de sa maison, avec la ferme résolution de s’y défendre s’il y était attaqué.

Sainte-Ruth n’est qu’à environ deux milles de l’Océan, et différentes routes y conduisaient en traversant les terres dépendantes de l’abbaye, qui s’étendaient presque jusqu’au rivage. Dillon indiqua la plus courte, et la cavalerie allait si bon train, qu’en peu de minutes elle arriva près des rochers qui bordaient la côte. Laissant sa troupe sous le couvert d’un petit bois, Fitzgerald avança avec son guide jusque sur les bords des rochers escarpés du côté de la mer, et dont la base était couverte d’écume, quoique l’agitation des flots commençât à se calmer.

Le vent avait cessé avant l’évasion des prisonniers ; et comme la violence de la tempête avait diminué, il régnait dans l’eau, le long du rivage, un léger courant venant du sud, et, quoique l’Océan continuât à rouler des vagues effrayantes, leur surface était unie, et elles devenaient de moment en moment moins hautes et plus régulières. Les yeux des deux cavaliers parcoururent en vain l’immense étendue d’eau qui réfléchissait les rayons du soleil levant, pour y chercher quelque navire éloigné qui pût confirmer leurs soupçons ou dissiper leurs doutes ; mais tous les bâtiments semblaient s’être soustraits aux dangers de la navigation pendant la dernière tempête. Les yeux de Dillon, longtemps déçus dans leur attente, se rapprochaient du rivage, quand il s’écria vivement en apercevant un objet qui fixa tout à coup son attention :

— Les voici ! De par le ciel ! ils nous échapperont.

Fitzgerald suivit la direction du doigt de Christophe, et vit à peu de distance de la terre, et presque sous ses pieds, une petite barque qui semblait une coquille flottant sur l’eau, s’élevant et