Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/197

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lequel le navire s’avançait pour combattre de plus près et avec plus d’acharnement. Les jeunes canonniers chargeaient et déchargeaient leurs pièces en poussant des cris d’enthousiasme, tandis que le contre-maître continuait sa besogne avec le silence d’un homme qui voulait agir avec une grave régularité. Barnstable déployait tout le sang-froid d’un commandant sur qui reposait le sort de l’action, quoique ses yeux noirs brillassent d’un feu qu’il cherchait à contenir.

— Pointez bien ! s’écriait-il de temps en temps d’une voix qui se faisait entendre au-dessus du bruit du canon. Ne vous attachez pas aux cordages ; criblez-leur le flanc !

Le capitaine anglais de son côté se comportait en brave. La canonnade éloignée lui avait fait souffrir des pertes et des avaries, parce qu’il n’avait pas de canons de la même portée que celui de Tom Coffin, mais il ne négligeait rien pour réparer la faute qu’il avait commise en laissant engager le combat de cette manière. Les deux navires se rapprochèrent peu à peu, et ils finirent par être si voisins qu’ils étaient enveloppés dans le nuage de fumée produit par leur feu ; ce nuage s’épaississait autour d’eux, de sorte que les spectateurs curieux et intéressés qui se trouvaient sur les rochers ne pouvaient plus les distinguer. Tout ce qu’ils pouvaient voir à travers ce rideau, c’étaient les éclairs qui précédaient l’explosion des coups de canon et les décharges de mousqueterie, dont le bruit retentissait dans les rochers. Les soldats qui regardaient ce combat avec tant d’intérêt passèrent ainsi quelque temps dans une incertitude pénible sans pouvoir distinguer, même lorsque la lutte fut terminée, à qui était restée la victoire.

Mais nous suivrons les combattants pour rapporter les détails de cet engagement.

Le feu de l’Ariel était plus vif et plus meurtrier que celui de l’Alerte, parce que le schooner avait moins souffert et que son équipage était moins épuisé de fatigue. Dès que le cutter en fut assez proche, il y jeta le grappin afin de décider l’affaire par un combat corps à corps. Barnstable avait prévu cette intention, et il comprenait parfaitement les motifs qui déterminaient le capitaine anglais à prendre ce parti ; mais il n’était pas homme à calculer froidement ses avantages, quand son esprit fier et entreprenant lui suggérait un projet plus glorieux. Il fit donc la moitié du chemin ; et quand les deux bâtiments se touchèrent, la poupe du