Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/196

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Baissez un peu ; encore, encore ! baissez encore davantage. Ce babouin me le paiera. Approchez la mèche. Feu.

Ce second coup fut le vrai début du combat ; car le boulet lancé par Tom Coffin ayant volé à peu près dans la même direction que le premier, l’ennemi trouva que le jeu commençait à devenir trop chaud pour ne pas y répondre, et le bruit du second coup de canon tiré par l’Ariel fut suivi à l’instant par celui de toute une bordée de l’Alerte. Ses canonniers avaient bien ajusté, mais leurs canons étaient trop légers pour porter à une si grande distance, et un ou deux boulets, qui frappèrent en mourant les flancs du schooner, tombèrent dans l’eau sans causer aucun dommage.

Le contre-maître, dont la bonne humeur revint quand il vit que le combat s’engageait, dit avec sa gravité ordinaire :

— Ce ne sont que des tapes d’amitié. Ces Anglais croient sans doute que nous ne tirons que des saluts.

— Eh bien ! Tom, détrompez-les ; chaque coup que vous leur donnerez contribuera à leur ouvrir les yeux, s’écria Barnstable se frottant les mains de plaisir en voyant le succès qui avait suivi les deux premières décharges.

Pendant dix à quinze minutes le contre-maître et ses aides furent seuls occupés à bord de l’Ariel, les autres canonniers restant près de leurs pièces, qui n’avaient pas la même portée, dans une inaction complète. Mais au bout de ce temps le commandant de l’Alerte, un peu déconcerté d’abord par le poids d’un boulet tombé à bord du cutter, et sentant qu’il n’était plus en son pouvoir de faire retraite quand il le voudrait, se décida à prendre le seul parti qui pût convenir à un brave, et ce fut de gouverner son navire de manière à se trouver le plus promptement possible bord à bord avec l’ennemi, sans s’exposer à en recevoir le feu par la poupe.

Barnstable surveilla toutes les manœuvres de son adversaire avec un œil d’aigle ; et dès que les deux bâtiments se trouvèrent à une distance plus rapprochée l’un de l’autre, il donna ordre qu’on ouvrît un feu général. L’action devint alors animée des deux côtés. La force du vent était neutralisée par l’explosion constante des canons, et la fumée, au lieu d’être emportée rapidement, formait sur les mâts de l’Ariel un dôme qui demeurait ensuite suspendu sur la mer, comme pour marquer le chemin par