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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/12

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— Vous vous pressez bien de prononcer sur leur beauté, John, s’écria Jane ; attendez que vous les ayez vues, avant de compromettre ainsi votre goût.

— Oh ! répliqua John, j’en ai assez vu pour… Il fut interrompu par le bruit d’un tilbury des plus élégants, que suivaient deux domestiques à cheval. Dans cet endroit la route se divisait en plusieurs branches. Le tilbury s’arrêta, et, au moment où John et ses sœurs passaient auprès, un jeune homme en descendit et vint à leur rencontre. Du premier coup d’œil il reconnut le rang des personnes auxquelles il allait s’adresser, et les saluant d’un air gracieux, après leur avoir fait des excuses d’interrompre leur promenade, il les pria de vouloir bien lui indiquer la route qui conduisait au Doyenné. — Celle à droite, Monsieur, répondit John en lui rendant son salut.

— Demandez-leur, colonel, lui cria son ami, qui était resté dans le tilbury, et qui tenait les rênes, si la voiture qui vient de passer a pris cette route.

Le colonel, dont toutes les manières annonçaient un homme du meilleur ton, jeta un regard de reproche sur son compagnon, pour se plaindre du ton leste et peu convenable qu’il avait pris, et fit la question qu’il désirait. Après avoir reçu une réponse affirmative, il s’inclina de nouveau et allait remonter en voiture lorsqu’un des chiens d’arrêt qui suivaient le tilbury sauta sur Jane, et salit sa robe avec ses pattes pleines de boue.

— Ici, Didon, s’écria le colonel en se hâtant de rappeler le chien ; et, après avoir fait à Jane les excuses les plus polies, il rejoignit son compagnon en recommandant à un de ses domestiques de prendre garde à Didon. L’air et les manières de ce jeune homme étaient fort distingués ; il eût été facile de reconnaître qu’il était militaire, quand même son compagnon, plus jeune, mais moins aimable, ne l’eût pas appelé colonel. Le colonel paraissait avoir trente ans, et ses beaux traits et sa tournure élégante étaient également remarquables, tandis que son ami, plus jeune de quelques années, était loin de lui ressembler.

— Je voudrais bien savoir quels sont ces messieurs, dit Jane au moment où la route, formant un coude, les dérobait à leurs regards.

— Ce qu’ils sont, répondit son frère ; parbleu ! ce sont les Jarvis : ne les avez-vous pas entendus demander le chemin du Doyenné ?