Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/225

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terrible. Le baronnet prit le journal, et après l’avoir relu en silence, il dit tout bas d’une voix tremblante d’émotion : — Puisse-t-il être heureux ! Je souhaite qu’elle soit digne de lui.

— Digne de lui ! pensa Mrs Wilson indignée ; et prenant le journal, elle se retira dans sa chambre, où Émilie, qui était de retour de sa promenade, venait de se rendre.

Comme il fallait que sa nièce apprît cette nouvelle, elle pensa que le plus tôt serait le mieux. L’exercice et l’aimable enjouement de Francis et de Clara avaient rendu aux joues d’Émilie une partie des vives couleurs qui les animaient ordinairement, et elle accourut embrasser sa tante le sourire sur les lèvres. Mrs Wilson sentit qu’il lui fallait rassembler tout son courage pour détruire de nouveau la tranquillité qui semblait renaître dans l’âme de sa nièce. Mais il n’y avait point à balancer ; il fallait accomplir un rigoureux devoir.

— Émilie, mon enfant, lui dit-elle en la pressant contre son cœur, vous vous êtes montrée jusqu’à présent telle que je pouvais le désirer ; et, dans les épreuves pénibles que vous avez eues à supporter, votre courage a surpassé mon attente. Encore un effort, mon enfant, encore une épreuve à soutenir, et j’ai la confiance que la blessure que je rouvre sera bientôt guérie, et que nous ne reviendrons plus sur ce douloureux sujet.

Émilie regarda sa tante d’un air inquiet, attendant avec anxiété ce qui allait suivre. Elle prit le journal, suivit la direction du doigt de Mrs Wilson, et lut l’annonce du mariage de Denbigh. Émilie sentit ses genoux chanceler ; elle fut obligée de s’appuyer sur une chaise. Les couleurs que la promenade lui avait rendues disparurent de nouveau ; mais bientôt, revenant à elle, elle serra la main de sa tante, qui suivait avec anxiété tous ses mouvements, et la repoussant avec douceur, elle alla se renfermer dans sa chambre.

Lorsqu’elle reparut, elle avait repris tout son empire sur elle-même, et elle semblait aussi calme, aussi tranquille qu’auparavant. Sa tante la surveillait avec une tendre inquiétude, mais elle ne put apercevoir d’altération sensible ni dans sa conduite, ni dans ses manières.

C’est qu’Émilie connaissait trop bien ses devoirs pour n’avoir pas senti, du moment qu’elle avait cru son amant indigne de son estime, qu’une barrière insurmontable les séparait. Quand même