Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/256

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lui avait toujours fait envisager dans l’avenir comme les douces prérogatives des femmes mariées, elle avait écrit à cette dernière de venir la joindre, dans l’espoir que sa présence serait un frein pour son mari, ou que la douairière, par ses conseils l’aiderait à s’opposer avec succès à la conduite outrageante du vicomte.

Elle ne s’était mariée que pour jouir des plaisirs du monde ; la douairière le savait, et la réclusion où la tenait son mari lui prouvait plus que les plaintes les plus véhémentes combien Catherine devait se trouver malheureuse. Bientôt il ne put même lui rester aucun doute, et tous les chagrins domestiques de sa fille se montrèrent à découvert à ses yeux.

La présence et l’exemple de John et de Grace avaient forcé le vicomte pendant quelque temps à montrer plus d’égards pour sa femme ; mais la glace une fois rompue, il s’abandonna sans contrainte à sa jalousie et à sa brutalité.

Lorsqu’une scène désagréable éclatait entre les époux, Grace, triste et effrayée, se retirait dans sa chambre, et Jane la suivait avec dignité, tandis que John, forcé d’être témoin de ces querelles matrimoniales, avait bien de la peine à comprimer son indignation, et s’échappait à son tour dès qu’il en trouvait l’occasion, pour tâcher d’oublier auprès de sa femme et de sa sœur ces fâcheux différends.

John n’avait jamais aimé ni même respecté Catherine, qui ne possédait aucune des qualités attachantes qui lui faisaient chérir sa sœur ; mais elle était femme, elle était devenue sa parente, et il lui était impossible de rester plus longtemps tranquille spectateur des mauvais traitements qu’elle recevait souvent de son mari. Il fit donc tous les préparatifs nécessaires pour quitter le Portugal par le premier paquebot, après un séjour d’environ un mois.

Lady Chatterton s’épuisait en efforts pour rétablir la bonne intelligence entre sa fille et son mari ; mais c’était une tâche au-dessus de son pouvoir. Il était trop tard pour remédier à la mauvaise éducation de Catherine, et pour lui apprendre par quelle douceur et quelle soumission elle eût pu reconquérir le cœur de son mari. Après avoir engagé sa fille à se marier dans la seule vue d’acquérir un rang et des richesses, la douairière vit bien qu’il ne lui restait plus qu’un parti à prendre, celui d’amener une séparation décente entre lord et lady Herriefield, et d’assurer