Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/283

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elle devait s’embarquer mettrait à la voile, la tante et la nièce virent avec joie que cette époque était postérieure à celle que sir Edward avait fixée pour leur voyage à Londres.

Si Jane eût été à la place d’Émilie, en se rappelant que Mrs Fitzgerald avait été la cause, bien innocente sans doute, de ses peines, ses passions violentes et aveugles lui auraient fait confondre dans son ressentiment l’innocent avec le coupable, ou, si la réflexion eût justifié cette dame à ses yeux, cependant son orgueil et une délicatesse mal placée lui auraient fait regarder son nom seul comme un reproche ; et l’auraient empêchée d’avoir jamais aucune relation avec elle.

Il n’en était pas ainsi d’Émilie. Les malheurs de Mrs Fitzgerald lui avaient inspiré le plus tendre intérêt. Malheureuse elle-même, elle n’en avait pour cette dame que plus de compassion encore. Si son nom seul lui rappelait le souvenir de Denbigh, elle avait trop de raison pour lui en faire un crime, et elle espérait que le temps guérirait sa faiblesse. Une première passion ne s’efface pas en un instant ; elle laisse dans le cœur des traces profondes qu’il est bien difficile de faire disparaître entièrement.

L’arrivée de John avec sa femme et sa sœur répandit un peu de gaieté dans la famille. M. Haughton fut un des premiers à venir féliciter les jeunes époux.

Quelques jours avant celui où ils devaient partir pour Londres, John, dans un de ses accès de folie, dit à M. Benfield avec un grand sérieux, que, quoiqu’il admirât toujours le goût que Peter Johnson déployait dans sa toilette, il ne savait pas trop si le costume de l’honnête intendant qui semblait narguer la mode, ne causerait pas un véritable scandale dans la capitale.

John avait en effet remarqué, lors du premier voyage que Peter avait fait à Londres, qu’une troupe de polissons s’étaient mis à ses trousses en le poursuivant de leurs railleries et de leurs propos injurieux ; que des injures ils en étaient venus aux menaces, et que peut-être même ils se seraient permis des voies de fait si le prudent vieillard n’avait battu en retraite et ne s’était réfugié dans un fiacre. C’était donc pour lui éviter à l’avenir de semblables désagréments qu’il faisait cette observation.

On était alors à dîner et l’intendant était à son poste auprès du buffet. En entendant prononcer son nom, il s’approcha, jeta un coup d’œil sur toute sa personne pour voir si tout y était en règle,