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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/359

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Ces conjectures leur parurent les plus vraisemblables, et ils quittèrent ce pénible sujet pour en traiter de plus agréables, jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à la porte de l’hôtel de sir Edward.

— Mon maître !… écoutez… mon maître, s’écria Peter Johnson qui regardait par la fenêtre de la chambre de Benfield, en remuant, pour le refroidir, un potage au gruau, qu’il venait de préparer pour le souper du vieux gentilhomme. Il avançait la tête le plus possible, et il pouvait à peine en croire ses yeux de soixante-dix ans et la lueur vacillante des réverbères qui éclairaient la cour. — Non, je ne me trompe pas, c’est bien M. Denbigh qui donne la main à miss Emmy pour l’aider à descendre de voiture, et qui est accompagné de deux laquais dans la plus riche livrée.

La cuillère tomba des mains de M. Benfield ; il se leva avec vivacité et prit le bras de l’intendant pour se rendre au salon. Pendant ce court trajet il cherchait à tromper son impatience et celle de Peter par quelques phrases que la rapidité de sa marche rendait à peine intelligibles.

— M. Denbigh !… quoi ! de retour ! Je croyais que cet étourdi de John ne parviendrait jamais à le rejoindre, et qu’il avait abandonné Emmy pour toujours. Ici M. Benfield se rappela le mariage de Denbigh, et ajouta en soupirant : — Mais à présent, Peter, que peut-il venir faire ici ? Je me rappelle que lorsque mon ami le comte de Gosford… Mais il fut arrêté de nouveau par le souvenir de la table de jeu et de la vicomtesse, et il termina par ces mots : — Mais pressons-nous d’arriver, Peter, et nous verrons bientôt ce qui en est.

— Monsieur Denbigh ! s’écria sir Edward étonné en le voyant entrer dans le salon avec Mrs Wilson et Émilie, soyez le bienvenu au milieu de vos anciens amis ; votre départ précipité nous a fait bien de la peine, mais, depuis que nous connaissons lady Laura, nous ne pouvons nous étonner que vous nous ayez quittés pour elle.

Le bon sir Edward soupira en pressant la main de celui qu’il avait espéré nommer son fils.

— Ni lady Laura, ni toute autre dame que miss Émilie n’aurait pu me forcer à m’éloigner de vous, s’écria le comte avec gaieté ; ses rigueurs seules m’ont contraint à la retraite, et j’espère qu’elle est prête non seulement à avouer ses torts, mais même à les réparer.