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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/382

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fugitif. La confusion de ces temps de troubles et les crimes qui se commettaient tous les jours sur le théâtre de la guerre empêchèrent qu’on pût découvrir ses traces. Egerton avait été si heureux et si adroit qu’il s’était entouré d’un mystère impénétrable, que la rencontre de Julia eût pu seule dévoiler.

Egerton connaissait beaucoup sir Herbert, qui, pendant une conversation qu’ils eurent ensemble à la caserne de F***, lui raconta sa propre histoire ; mais le hasard fit qu’il ne nomma point le libérateur de la belle en détresse. Egerton se garda bien de laisser paraître l’intérêt qu’il prenait à ce récit ; mais, craignant de se trahir, il chercha à faire prendre un autre tour à la conversation, et il n’apprit ni le nom de celui qui avait arraché Julia de ses mains, ni ce qu’était devenue cette dernière ; mais, comme il jugeait les autres d’après lui, il supposait qu’elle n’avait point gagné au change en se mettant sous la garde d’un militaire inconnu.

Il avait eu plusieurs motifs pour venir dans le Northampton : d’abord il désirait se soustraire pendant quelque temps aux poursuites de ses créanciers ; ensuite Jarvis avait pris tout à coup une violente passion pour le jeu ; il jouait mal, quelle bonne connaissance pour le colonel ! Enfin, dans l’état précaire de ses affaires, la fortune de miss Jarvis ne lui paraissait pas à dédaigner.

Mais dès qu’il vit les filles de sir Edward, les beautés de la Cité perdirent tout leur attrait à ses yeux ; bientôt il prit une sorte de goût pour Jane ; elle était bien plus aimable et au moins aussi riche que les miss Jarvis, et puisque ses parents imprudents se contentaient de voir qu’il avait l’extérieur et les manières d’un gentilhomme, il se détermina à en faire sa femme.

Lorsqu’il vit Denbigh pour la première fois, il ne put le méconnaître, et il lui fut impossible de cacher l’impression que lui causait sa vue. Il n’était pas sûr de n’en avoir pas été aperçu à son tour, et dans cette supposition, sa réputation et sa fortune étaient au pouvoir du libérateur de Julia, qu’il apprenait enfin se nommer Denbigh.

À la manière dont celui-ci l’aborda, il espérait lui être inconnu ; mais lorsqu’un jour sir Herbert lui reparla des malheurs de Mrs Fitzgerald, il se sentit mal à l’aise, sans trop savoir pourquoi, et, remarquant que Denbigh évitait soigneusement sir Herbert, il résolut de profiter de cette circonstance, et il dit à ce