Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/41

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l’une et l’autre le désir d’entretenir leurs relations avec les Jarvis. Émilie en fut surprise ; elle avait toujours vu sa mère fuir avec une antipathie prononcée la société des personnes sans éducation, qui souvent faisaient subir à sa délicatesse des assauts qui lui étaient insupportables. Mais ce qu’elle concevait le moins, c’était la conduite de Jane, qui, dès le premier jour, avait déclaré qu’elle ne pouvait souffrir leurs manières grossières. Eh bien ! c’était Jane au contraire qui, à présent, les recherchait la première, et qui même quittait la société de ses sœurs pour celle de miss Jarvis, surtout si le colonel Egerton était auprès d’elle. L’innocence d’Émilie l’empêchait de découvrir les motifs qui pouvaient avoir causé un changement aussi extraordinaire ; mais elle en gémissait et redoublait de tendresse pour celle qui semblait ne plus l’aimer autant.

Pendant quelques jours, le colonel avait paru balancer sur laquelle des jeunes amies il ferait tomber son choix ; mais son irrésolution ne fut que passagère, et bientôt Jane obtint évidemment la préférence. En présence des Jarvis il s’observait davantage, faisait une cour moins assidue ; ses attentions se répartissaient plus également sur toutes les jeunes personnes de la société. D’ailleurs il n’avait pas seul le privilège de paraître aimable ; John, sans s’en douter, faisait aussi des conquêtes ; il devait être baronnet, et c’était déjà une recommandation aux yeux des miss Jarvis.

John, par charité, avait pris en main la direction des parties de chasse du capitaine ; presque tous les matins ils faisaient ensemble des excursions dans la plaine, et depuis ce moment le colonel était devenu tout à coup chasseur intrépide. Les dames les accompagnaient souvent, et le rendez-vous général était à Moseley-Hall.

Un matin que tout était préparé pour une promenade à cheval, au moment où la troupe joyeuse allait partir, Francis Yves arriva dans le cabriolet de son père, et retarda un instant le départ. Francis était adoré de toute la famille Moseley, et il fut reçu à bras ouverts. Il apprit que l’intention des jeunes gens était de faire une halte au presbytère, au milieu de leur excursion champêtre : il dit que, loin de les retenir, il leur demandait la permission de les accompagner. Puis, jetant un regard expressif sur la mère de Clara, il pria sa bien-aimée d’accepter une place à côté de lui ; celle-ci regarda sa mère, et lisant son consentement dans ses yeux,