Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’y aurait-il pas une sorte de grossièreté à le refuser ? ne serait-ce pas montrer une méfiance coupable, lorsqu’il a pour elle des attentions si distinguées ?

— Le refus d’une demande inconvenante est une offense très vénielle, selon moi, reprit Mrs Wilson avec un sourire. Comme vous le dites, ma sœur, les attentions du colonel deviennent de jour en jour plus marquées. Je veux croire que ses vues sont honorables ; mais il me semble qu’il n’est pas moins important de s’assurer s’il est digne d’être l’époux de Jane, que de savoir s’il songe sérieusement à le devenir.

— Et que pouvons-nous désirer de plus que ce que nous savons déjà ? vous connaissez son rang, sa fortune, nous sommes à même d’apprécier son caractère ; et d’ailleurs cette étude regarde particulièrement Jane : c’est elle qui doit vivre avec lui, c’est à elle de voir s’il lui convient sous ce rapport.

— Je ne lui conteste point sa fortune ; mais je me plains que nous lui supposions les qualités les plus essentielles, sans avoir la certitude qu’il les possède. Ses principes, ses habitudes, son caractère même, nous sont-ils bien connus ? Je dis nous, car vous savez, ma sœur, que vos enfants me sont aussi chers que s’ils étaient les miens.

— J’en suis persuadée, dit lady Moseley ; mais je vous le répète, ces choses-là regardent Jane : si elle est contente, je n’ai pas le droit de me plaindre. Je ne chercherai jamais à exercer la moindre influence sur les affections de mes enfants.

— Si vous disiez que vous ne les contraindrez jamais, je serais de votre avis ; mais influencer ou plutôt diriger les affections de son enfant, et surtout de sa fille, c’est un devoir aussi impérieux que de détourner d’elle tous les malheurs qui peuvent la menacer.

— J’ai rarement vu cette entremise des parents produire de bons effets.

— Vous avez raison ; car, pour être utile, il faut qu’elle ne se voie pas, à moins de circonstances extraordinaires. Excusez-moi, ma sœur, mais j’ai remarqué plus d’une fois que les parents donnent presque toujours dans les extrêmes, se faisant un système ou de choisir eux-mêmes pour leurs enfants, ou d’abandonner tout à fait ce choix à leur vanité flattée et à leur inexpérience.

— Eh bien ! si vous étiez à ma place, que feriez-vous donc