Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/62

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sances intimes arrivèrent alors, et le presbytère offrit la scène la plus animée. John était le seul qui fut absent. Il s’était chargé d’amener Grace Chatterton dans son phaéton, et il n’était pas encore arrivé. On commençait à manifester quelque inquiétude, lorsqu’il entra dans la cour au grand trot, et en frisant la borne avec l’adresse du cocher le plus exercé.

Lady Chatterton, qui était sérieusement inquiète, allait prier son fils d’aller à leur recherche, lorsqu’enfin elle aperçut sa fille. Ses craintes s’évanouirent à l’instant ; ce retard lui parut même du plus heureux indice ; elle ne pouvait l’expliquer qu’en supposant à John le désir de rester plus longtemps seul avec sa fille. Elle courut au-devant d’eux de l’air plus enjoué.

— C’est fort bien, monsieur Moseley, lui cria-t-elle, vous me ramenez donc enfin ma fille ? Je commençais à croire que vous aviez pris avec elle la route de l’Écosse.

— C’est un chemin, lady Chatterton, que votre fille ne voudrait prendre ni avec moi ni avec un autre, ou je la connais mal, répondit John avec froideur. — Clara, ma chère sœur, comment cela va-t-il ? Et il embrassa tendrement la mariée.

— Mais pourquoi donc arrivez-vous si tard, Moseley ? lui demanda sa mère.

— L’un des chevaux était rétif, il a brisé son harnais, et j’ai été obligé de m’arrêter dans le village pour le faire raccommoder.

— Et comment Grace s’est-elle conduite ? demanda Émilie en riant.

— Mille fois mieux que vous ne l’auriez fait à sa place, petite sœur.

Émilie n’avait pas une grande confiance dans les talents de son frère pour conduire son phaéton, et ses alarmes étaient continuelles lorsqu’elle s’y trouvait avec lui. La pauvre Grace, au contraire, naturellement timide, et craignant de faire une injure à celui qui tenait les rênes, était parvenue à maîtriser sa frayeur, et, quoique tremblant un peu intérieurement, elle était restée immobile, et silencieuse. Pendant le trajet, John avait admiré de nouveau sa beauté, ses grâces ingénues ; il se sentait entraîné vers elle par un charme secret. Pourquoi fallait-il que la mère imprudente vint toujours se mettre entre sa fille et lui ?

— Grace est une fille intrépide, s’écria-t-elle ; elle est remplie de courage, n’est-ce pas, monsieur Moseley ?