Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

prit la sage résolution de se retirer du monde ; il loua sa maison de ville, et alla habiter avec sa famille un château où ses ancêtres avaient fait autrefois leur résidence, et qui était à environ cent milles de la capitale. Là il espérait, par une économie sage et bien entendue, non-seulement affranchir de toutes dettes les biens qui devaient passer à son fils, mais préparer même dès à présent la dot de ses trois filles, afin de pouvoir les établir aussitôt qu’il se présenterait un parti convenable. Dix-sept ans lui avaient suffi pour exécuter ce plan dans toute son étendue, et il venait d’annoncer à ses filles enchantées que l’hiver suivant ils retourneraient habiter leur maison dans Saint-James-Square. La nature n’avait pas destiné sir Edward aux grandes actions ; la prudente résolution qu’il avait prise pour rétablir sa fortune était la mesure exacte de la force de son caractère ; car si elle eût demandé un peu plus de vigueur et d’énergie, cette tâche eût été au-dessus de ses forces, et le baronnet aurait pu lutter encore longtemps et sans succès contre les embarras que lui avait préparés la folle prodigalité de son père.

Le baronnet était tendrement attaché à sa femme, qui avait un grand nombre d’excellentes qualités ; attentive, prévenante pour tout ce qui l’entourait, aimant ses enfants avec une égale tendresse, sa bonté et son indulgence la faisaient adorer de sa famille. Cependant lady Moseley avait aussi ses faibles ; mais comme ils prenaient leur source dans l’amour maternel, personne n’avait le courage de les juger avec sévérité. L’amour seul avait formé son union avec sir Edward ; longtemps les riches parents de ce dernier s’étaient refusés à ses vœux ; enfin sa constance l’avait emporté, et l’opposition inconséquente et prolongée de leur famille ne produisit d’autre effet sur eux que de leur inspirer la ferme résolution, non seulement de ne point exercer leur autorité pour marier leurs enfants, mais même de ne point chercher à influencer leur choix dans une affaire si importante. Chez le baronnet, cette résolution était inébranlable, et il suivait uniformément le système qu’il s’était tracé. Sa femme n’y était pas moins fidèle, quoique parfois elle fût combattue par le désir d’assurer à ses filles de riches partis. Lady Moseley avait plus de religion que de piété ; elle était charitable plutôt par penchant que par principes ; ses intentions étaient pures, mais son jugement, obscurci par des préjugés, ne lui permettait pas toujours