Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/83

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— Comment je m’y prendrai ? Je m’attacherai à ses pas, je l’afficherai partout pour un lâche, je…

— Pas tant de paroles ; écoutez-moi, reprit le capitaine en se tournant vers lui, les coudes appuyés sur la table. Je vais vous dire, moi, ce que vous pouvez faire. Il y a là un lord Chatterton qui paraît prendre la chose avec chaleur. Si je ne craignais pas que par son crédit il ne pût nuire à mon avancement, j’aurais relevé moi-même quelques expressions qui lui sont échappés ; il se battra, lui, j’en suis certain, et je vais retourner de ce pas lui demander une explication de votre part.

— Non, non, diable ! dit Jarvis avec vivacité ; il est allié aux Moseley, et j’ai des vues de ce côté… Ce serait une imprudence…

— Pensiez-vous donc avancer vos affaires en rendant la jeune personne la cause d’un duel ? demanda le capitaine Digby d’un ton de sarcasme, et en jetant sur Jarvis un regard de mépris. Il vida son verre d’un trait, et sortit brusquement sans faire attention à son ami.

— À la santé des braves officiers du régiment d’infanterie ! s’écria-t-il le soir d’un ton ironique, à sa table d’hôte, lorsqu’il était déjà plus d’à moitié gris ; à la santé de son digue champion le capitaine Henri Jarvis ! Un des officiers de ce corps se trouvait présent ; il se crut insulté, et la semaine suivante les habitants de F*** virent le régiment qui était caserné dans leur ville, suivre lentement le corps d’Horace Digby !

Lord Chatterton, en racontant la partie de cette aventure qui s’était passée sous ses yeux, rendit pleine justice à la conduite de Denbigh, hommage d’autant plus noble et plus délicat que, n’ayant pu rester lui-même insensible aux charmes d’Émilie, il voyait clairement que son ami était déjà ou du moins serait bientôt son rival.

Les dames mirent autant de chaleur à louer la noble conduite de Denbigh qu’à exprimer le dégoût que leur inspiraient les bravades et les forfanteries du capitaine.

Lady Moseley détournait les yeux avec horreur d’une scène qui ne lui offrait que meurtre et qu’effusion de sang. Mrs Wilson et sa nièce l’envisageaient au contraire pour applaudir au généreux sacrifice que Denbigh avait fait des opinions du monde sur l’autel du devoir.

La première admirait son refus de n’admettre aucune considé-