Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ah ! en voici une preuve, répondit l’étranger parlant assez vite pour trahir de nouveau toute la sensibilité de son cœur. Il est rare de trouver l’histoire des boucaniers d’Amérique dans la bibliothèque d’une dame ! Quel plaisir un esprit comme celui de la belle Barberie peut-il éprouver dans le récit de ces violences sanglantes ?

— Quel plaisir en effet ! répondit Alida, à demi tentée par le regard hardi et fier de son compagnon de le prendre pour un des corsaires en question, malgré l’évidence contradictoire dont il était entouré. Ce livre me fut prêté par un brave marin qui se tient prêt à réprimer leurs violences, et tandis que je parcours l’histoire de tant de crimes, je me rappelle le dévouement de ceux qui risquent leur vie pour protéger l’innocence et la faiblesse. Mais mon oncle aurait raison de m’en vouloir, si je tardais plus longtemps à lui apprendre votre arrivée.

— Un seul moment encore ! Il y a longtemps, bien longtemps que je ne suis entré dans un sanctuaire semblable à celui-ci. Voici de la musique, là un métier à broder. Ces fenêtres montrent un paysage dont le paisible tableau est en harmonie avec ton âme, et là-bas tu peux admirer l’Océan sans craindre sa fureur, ou ressentir du dégoût pour les scènes tumultueuses. Tu dois être heureuse ici !

L’étranger se détourna, et s’aperçut qu’il était seul. Le désappointement se peignit fortement sur son beau visage ; mais, avant qu’il eût le temps de se livrer à ses pensées, on entendit une seconde voix murmurer à la porte du salon :

— Contrats et traités ! Au nom de la bonne foi qui a pu t’amener ici, est-ce la manière de jeter un voile sur nos actions, ou supposes-tu que la reine me fera chevalier, lorsqu’elle connaîtra nos relations ?

— Lanternes et faux signaux ! reprit le jeune homme, en imitant la voix du bourgeois déconcerté, et montrant du doigt les trois lumières qui étaient toujours sur la table ; peut-on entrer dans le port sans respecter les amers de terre et les signaux ?

— Cela vient de l’amour pour les clairs de lune ! Cette jeune fille est levée quand elle devrait dormir ; elle contemple les étoiles et déjoue les spéculations d’un bourgeois. Mais ne crains pas, maître Seadrift ; ma nièce est discrète, et nous n’avons pas de meilleur gage de son silence que la nécessité, puisqu’elle n’aurait