Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/106

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histoire, étaient accusés de favoriser sur mer des actions plus coupables qu’un commerce illégal, et l’on apprendra sans surprise qu’elle pût avoir des raisons de se défier de la légalité des spéculations de son oncle, avec moins de peine que n’en ressentirait de nos jours une jeune personne de son caractère. Ses soupçons cependant étaient loin de la vérité, car il était impossible de rencontrer un marin qui ressemblât moins à un flibustier que celui que le hasard avait offert à ses yeux.

Peut-être la douceur de la voix et les manières de cet homme extraordinaire hâtèrent-elles le retour d’Alida. Dans tous les cas, elle parut bientôt dans l’appartement avec un air qui manifestait plus de curiosité et de surprise que de déplaisir.

— Ma nièce vient d’apprendre que tu arrives de l’ancien hémisphère, maître Seadrift, dit le prudent alderman qui précédait Alida, et la femme domine dans son cœur. Elle ne te pardonnerait jamais que l’œil d’une autre fille du Manhattan contemplât les belles choses que tu apportes avant qu’elle ait jugé de leur mérite.

— Je ne puis souhaiter un juge plus beau et plus impartial, dit l’étranger d’un air galant et dégagé. Voilà des soies qui sortent des métiers de la Toscane, et des brocards de Lyon que les dames de Lombardie et de France pourraient envier. Des rubans de toutes les nuances et de toutes les couleurs, des dentelles dont les dessins semblent avoir été copiés sur les ciselures des riches cathédrales de votre Flandre.

— Tu as beaucoup voyagé dans ton temps, maître Seadrift, et tu parles des différents pays et de leurs usages avec discernement, dit l’alderman ; mais quel est le prix de ces belles marchandises ? Tu connais la longue guerre et la certitude morale que nous avons de sa durée ; la succession au trône des princes allemands, et les derniers tremblements de terre du pays, ont fait baisser les prix, et nous forcent, nous autres bourgeois, à être très-prudents dans notre commerce. T’es-tu informé du prix des chevaux la dernière fois que tu es allé en Hollande ?

— Ces animaux mendient dans les rues. Quant à la valeur de mes marchandises, tu sais que le prix en est fixé, et que je n’admets point de contestations entre amis.

— Ton obstination est déraisonnable, maître Seadrift. Un marchand sage doit toujours s’informer de l’état du marché, et un