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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/158

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aller vite ; nous aborderons dans un moment plus favorable, sans tant nous hâter. Voulez-vous jeter un autre coup d’œil sur les sombres pages de cette dame ? L’esprit d’une femme n’est jamais bien connu à la première réponse !

Le marin leva le bambou qu’il portait et fit tourner une des pages de métal peint sur des gonds artistement cachés. On vit une nouvelle surface avec une autre citation.

— Qu’est-ce que c’est que cela ? qu’est-ce que c’est, patron ? demanda le bourgeois qui ne paraissait pas avoir une grande confiance dans la discrétion de la sorcière. Folies et poésies ! mais telle est l’habitude de toutes les femmes : quand la nature leur a refusé une langue, elles inventent une autre manière de parler.

« Les commissionnaires de la mer et de la terre vont ainsi à l’entour, à l’entour ; trois fois pour toi et trois fois pour toi, et trois fois encore pour faire neuf. »

— Véritables sottises ! continua le bourgeois ; c’est fort bien pour ceux qui peuvent ajouter trois fois trois à leurs biens ; mais croyez-moi, patron, c’est un heureux commerce que celui qui peut doubler la valeur de l’entreprise en comptant les chances raisonnables à courir et les mois d’anxiété à attendre.

— Nous avons d’autres pages, reprit Tiller, mais ne laissons pas traîner davantage notre principale affaire. On peut lire de bonnes choses dans le livre de la Sorcière lorsqu’on en a le loisir et l’occasion. Je parcours très-souvent son volume pendant les calmes, et il est rare d’y trouver deux fois la même morale, comme ces braves marins pourront l’affirmer.

Les marins qui tenaient les avirons confirmaient cette assertion par leur air de gravité et de confiance, tandis que leur supérieur faisait changer de place au bateau et laissait l’image de la Sorcière des Eaux seule au-dessus de son élément.

L’arrivée du cutter ne produisit aucune sensation parmi ceux qui occupaient le pont du brigantin. Le marin au châle des Indes souhaita une bienvenue franche et cordiale à ses compagnons de voyage et les laissa pendant une minute pour faire leurs observations, tandis qu’il remplissait quelque devoir dans l’intérieur du vaisseau. Ces moments ne furent pas perdus, car une curiosité puissante portait les étrangers à regarder autour d’eux de cet air avec lequel on étudie l’apparence de quelque objet fameux qui n’a