Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Les Proverbes ne sont pas plus sentencieux, ni les Psaumes plus poétiques que vos livres. Mais pourquoi cette conversation secrète ? Le brigantin est balayé de ses marchandises.

— Balayé ! Tu as balayé le pavillon de ma nièce, qui ne s’y trouve pas plus que des doublons dans ma bourse. C’est changer un troc innocent en un commerce des plus coupables, et j’espère que cette plaisanterie se terminera avant que les mauvaises langues de la province ne s’en soient emparées pour adoucir leur thé. Une telle histoire ferait tort à l’importation des sucres cet automne.

— Cela est plus expressif que clair. Vous avez mes dentelles et mes velours ; mes brocards et mes satins sont déjà entre les mains des dames du Manhattan, vos fourrures et vos doublons sont dans un lieu sûr, où aucun officier de la Coquette

— Bien, bien, il n’est pas nécessaire de prôner ce qu’un homme sait fort bien à ses dépens. Je ne devrais rien moins attendre qu’à ne banqueroute, de deux ou trois marchés pareils, et vous voulez ajouter la perte de ma réputation à la perte de mon argent. Les cloisons ont des oreilles dans les vaisseaux, comme les murs dans les maisons. Je désire qu’il ne soit plus parlé du petit commerce qui s’est fait entre nous. Si je perds mille florins sur cette opération, je saurai comment me consoler. Patience et afflictions ! n’ai-je pas enterré ce matin le hongre le mieux nourri qui ait jamais trotté dans une rue ? et a-t-on entendu une plainte sortir de mes lèvres ? Je sais comment me résigner aux pertes ; ainsi ne parlons plus de ce malheureux marché.

— En vérité, si ce n’était pas pour le commerce, il n’y aurait rien de commun entre les marins du brigantin et l’alderman van Beverout.

— Il n’en est que plus nécessaire de mettre un terme à cette plaisanterie, et de lui rendre sa nièce. Je ne sais pas comment l’affaire s’arrangera entre ces deux jeunes gens à tête chaudes, quoique j’aie l’intention d’aller jusqu’à offrir quelques mille livres de plus, pour faire un poids. Lorsque la réputation d’une femme perd de son crédit sur la place, il est plus difficile de s’en débarrasser que d’une marchandise au rabais, et les jeunes propriétaires, ainsi que les commandants de croiseurs, ont des estomacs comme des usuriers ; aucun dividende ne les satisfait, il leur faut tout ou rien ! Il n’y avait point de semblables folies pendant la vie