Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

entre nous, et celui qui doit suivre dépendra de notre adresse, de nos talents comme marins, et du mérite de nos deux bâtiments. Vous servez la reine Anne, et moi la dame Vert-de-Mer ; que chacun soit fidèle à sa maîtresse, et que Dieu récompense celui qui l’a mérité ! Voulez-vous consulter le livre avant cette épreuve ?

Ludlow fit signe qu’il y consentait, et le bateau approcha de la figure du gouvernail. Il fut impossible à l’alderman et à ses compagnons de maîtriser le sentiment qui s’empara d’eux, lorsqu’ils aperçurent cette figure sans mouvement. L’image mystérieuse paraissait douée d’intelligence, et son sourire paraissait encore plus ironique qu’auparavant.

— Vous avez fait la première question, et vous devez avoir la première réponse, dit Tiller en faisant signe à Ludlow de consulter la page ouverte. Notre maîtresse parle principalement en vers, elle choisit ceux de nos vieux écrivains dont les pensées nous sont presque aussi communes qu’à la nature humaine.

— Que veut dire ceci ? demanda Ludlow avec vivacité :


Celle que vous accusiez, regardez, elle vous est rendue,
Aimez-la, Angelo ;
Je l’ai confessée et connais sa vertu.


— Voilà des paroles très-claires ; mais j’aimerais mieux qu’un autre prêtre confessât celle que je chéris !

— Chut ! Vous avez le sang vif, et il s’échauffe facilement. Notre dame n’aime pas qu’on commente ses oracles. Venez, maître patron, tournez la page avec le bambou, et voyez ce que la fortune vous amènera.

Oloff van Staats souleva son bras vigoureux avec l’hésitation et la curiosité d’une jeune fille. Il était facile de lire dans ses yeux l’émotion agréable qu’il ressentait ; mais on pouvait juger en même temps de tous les préjugés d’une mauvaise éducation, par la gravité que conservait le reste de ses traits. Il lut à voix haute :

« J’ai une proposition à vous faire qui importe à votre bonheur ; et si vous voulez incliner une oreille docile, ce qui est à moi est à vous, ce qui est à vous est à moi…

« Ainsi allons à notre palais, où nous montrerons ce qui est encore caché, ce que chacun devrait connaître.

«  Mesure pour mesure. »