Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/191

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connût pas la nature. Il avait vu, pendant qu’il était occupé à son travail ordinaire, dans le jardin de l’alderman, le trio qu’Érasme avait conduit au-delà du passage, avait surveillé les mouvements de son maître et de ses deux compagnons lorsqu’ils se rendaient à l’ombrage du chêne, et enfin les avait vus entrer sur le brigantin. Cette visite extraordinaire à bord d’un vaisseau qui était habituellement enveloppé d’un si grand mystère, faisait naître différentes conjectures dans l’esprit du noir. On eût pu voir qu’il n’était pas dans son état ordinaire, par la manière dont il s’arrêtait souvent au milieu de son travail, s’appuyant sur le manche de sa houe comme une personne qui se livre à ses méditations. Il n’avait jamais vu son maître s’écarter de sa prudence habituelle, au point de quitter sa demeure pendant les visites accidentelles du contrebandier, et, tandis qu’il était entre les griffes du lion, il se rendait sur le contrebandier lui-même, accompagné par le commandant d’un croiseur royal. Il n’est donc pas étonnant que la curiosité du nègre devint plus active, et qu’il ne laissât échapper aucune circonstance. Pendant tout le temps qui s’était écoulé dans la visite qui fait le sujet du chapitre précédent, il ne se passa pas une minute sans que les regards du noir prissent, soit la direction du brigantin, soit celle de la côte adjacente.

Il est inutile de dire combien l’attention du nègre redoubla lorsqu’il vit revenir son maître et ses compagnons. Ils se rendirent aussitôt au pied du chêne, et alors il y eut entre eux une longue et sérieuse conférence. Pendant cette conversation, le nègre laissa tomber le manche de sa houe, et ses yeux ne quittèrent pas le pied du chêne. Il se donna à peine le temps de respirer jusqu’à ce que le petit groupe eût quitté le tronc de l’arbre et eût disparu derrière le bosquet qui couvrait le cap, se dirigeant vers son extrémité du côté du nord, au lieu de se retirer par la terre du Cove, vers le passage. Alors Bonnie respira librement, et commença à regarder les différents objets qui étaient autour de lui et qui donnaient un nouvel intérêt à la scène.

Le brigantin avait attaché sa chaloupe et restait, comme auparavant, beau, gracieux, mais sans mouvement, et, en apparence, n’ayant aucune intention de changer de place. Sans l’ordre admirable et la symétrie qui régnait dans ce bâtiment, on eût pu douter qu’il fût habité par quelque être humain. Le croiseur royal, moins aérien, présentait la même apparence de repos. La