Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/249

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ordinaire (applaudissements), et comme il n’y a aucun doute que les coquins n’aient fait un commerce avantageux, la somme totale ne sera probablement pas une bagatelle. (Trois salves d’applaudissements.)

Le bruit d’un coup de pistolet parti de la chaloupe du capitaine, et qui fut suivi d’un coup de canon du croiseur, dont le boulet siffla entre les mâts de la Sorcière des Eaux, fut le signal d’avoir recours aux moyens ordinaires d’abordage. Le contre-maître, d’une voix calme et forte, donna l’ordre de faire force de rames. Dans le même instant on vit avancer la chaloupe et la yole vers l’objet de leur commune attaque, et avec une rapidité qui promettait une prompte issue.

Malgré les préparatifs de la Coquette, au moment où la brise tomba, on n’avait aperçu aucun matelot sur le pont du brigantin. Le délicat bâtiment se balançait sur les vagues, mais personne ne semblait diriger ses mouvements, ni veiller à sa sûreté. Les voiles continuaient à pendre telles qu’elles avaient été laissées par la brise, et la coque flottait au gré des vagues. Cette tranquillité profonde ne fut pas troublée par l’approche des chaloupes, et si l’homme audacieux qui commandait à bord du contrebandier avait quelques projets de résistance, ils étaient entièrement cachés aux regards attentifs de Ludlow. Les cris et le bruit des avirons sur l’eau, lorsque les chaloupes s’approchèrent, ne produisirent pas le moindre changement sur le pont du brigantin, quoique le commandant de la Coquette vît ses voiles d’avant changer lentement de direction. Incertain du motif de ce mouvement, il se leva de son siège, et agita son chapeau en l’air afin de redoubler les efforts des rameurs. La chaloupe s’était approchée à environ cent pieds des flancs du brigantin, lorsque tous les plis de ses voiles commencèrent à s’enfler ; puis les espars, les voiles, les agrès s’inclinèrent vers la chaloupe comme pour un gracieux adieu, et alors la carène légère s’élança par son avant, laissant le bateau naviguer sur l’espace vide qu’elle venait de quitter.

Un second examen fut inutile pour assurer Ludlow de l’inefficacité d’une nouvelle poursuite, puisque la mer était déjà agitée par la brise, qui était venue pour le contrebandier dans un moment si important. Il fit signe à Trysail d’abandonner le brigantin, et tous les deux arrêtèrent leurs regards désappointés sur l’écume blanchâtre produite par le sillage du fugitif.