Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/289

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employé dans une profession qui appartient proprement à des hommes d’une ambition moins élevée. Il se regardait comme le champion des droits et de la gloire de sa souveraine, et non pas comme l’instrument mercenaire de ceux qui tenaient ses douanes, et quoiqu’il n’eût pas hésité à courir tous les hasards, soit pour capturer le vaisseau du contrebandier, ou en faisant prisonnier son équipage sur l’élément où il passait une partie de sa vie, il répugnait à l’idée de chercher à s’emparer sur terre d’un individu solitaire et désarmé. Outre ces sentiments, il avait assuré au proscrit lui-même qu’il le rencontrait sur un terrain neutre. Cependant l’officier de la reine avait ses ordres, et il ne pouvait fermer les yeux devant les obligations générales de son devoir. On savait partout que le brigantin occasionnait de grandes pertes aux revenus de la couronne, plus particulièrement dans l’ancien hémisphère, et qu’un ordre spécial à son égard avait été donné par l’amiral de la station. Une occasion se présentait de priver ce vaisseau des talents d’un chef qui, malgré l’excellence du navire, l’avait rendu capable de braver plus de cent croiseurs avec impunité. Agité par ces réflexions et ces sentiments contraires, le jeune marin quitta la maison et entra sur la petite pelouse, afin de respirer plus librement et de ne point être interrompu dans ses méditations.

La nuit était parvenue jusqu’au premier quart du matin ; l’ombre de la montagne couvrait encore néanmoins les terres de la villa et les côtes de l’Atlantique de ténèbres qui étaient plus profondes que l’obscurcité répandue au loin sur la surface de l’Océan ; les objets étaient si confus, qu’il était nécessaire de les regarder avec la plus grande attention pour s’assurer de leur caractère ; les rideaux de la Cour des Fées avaient été fermés, et, bien que les lumières brillassent dans l’intérieur, l’œil ne pouvait pénétrer dans les appartements du pavillon. Ludlow regarda autour de lui, puis se dirigea à contre-cœur vers le rivage.

En essayant de dérober aux yeux de ceux qui étaient dehors ce qui se passait dans son appartement, Alida avait cependant soulevé le coin d’une draperie. Lorsque Ludlow atteignit la grille qui conduisait au rivage, il se détourna pour jeter un dernier regard sur la villa ; favorisé par cette nouvelle position, ses yeux s’arrêtèrent sur celle qui occupait toujours ses pensées.

La belle Barberie était assise à la petite table près de laquelle