Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/30

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qui était fort sur le calcul ; deux Yankees, un Français et ta pauvre femme de Jersey, cela ne fait que quatre.

— Eh bien ! peut-être n’être dans le bac qu’un Yankee, mais tous être noyés, car un gouverneur perdre deux beaux chevaux de carrosse dans le bac.

— Le vieux a raison, je me rappelle ce malheur comme si c’était hier. Mais la mort est un monarque sur la terre, et aucun de nous ne peut échapper à sa faux, lorsque notre heure est venue. Aujourd’hui il n’y a point ici de chevaux à perdre, et nous pouvons commencer notre voyage avec un visage et un cœur tranquille. Patron, allons-nous partir ?

Oloff van Staats, ou le patron de Kinderhook, comme on l’appelait par politesse dans la colonie, ne manquait pas de courage personnel ; au contraire, comme la plupart de ceux qui étaient d’origine hollandaise, il se distinguait par sa fermeté dans le danger et son obstination dans la résistance. La petite discussion qui venait d’avoir lieu entre son ami et son esclave avait pris naissance dans leurs craintes mutuelles, bien qu’elles ne fussent pas excitées par les mêmes causes. L’un éprouvant une sorte de sollicitude paternelle pour la sûreté du jeune homme, et l’autre ayant des raisons particulières pour désirer qu’il persévérât dans son intention de s’embarquer. Un signe fait au garçon qui portait le porte-manteau termina la discussion, et M. van Staats répondit qu’il était prêt à partir.

Cupidon resta sur le stoop jusqu’à ce que son maître fût hors de vue ; puis, secouant la tête avec tous les pressentiments d’un esprit ignorant et superstitieux et faisant rentrer tout le fretin de noirs qui obstruaient la porte de la maison, il ferma tout après lui avec un soin scrupuleux. Nous verrons dans le cours de cet ouvrage si les pressentiments du noir furent justifiés par l’événement.

La large avenue dans laquelle demeurait Oloff van Staats n’avait que quelques centaines de pieds de longueur. Elle se terminait à une des extrémités par une forteresse, et l’autre était traversée par une haute palissade décorée du nom de murs de la ville. Cette défense avait été élevée contre une irruption soudaine des Indiens, qui chassaient et habitaient même en assez grand nombre dans les contrées basses de la colonie.

Il faut être bien familiarisé avec l’accroissement de la ville pour